Le harcèlement scolaire : un phénomène mondial amplifié par le numérique
Plus d’un élève sur dix est confronté au harcèlement scolaire, soit 3 enfants par classe.
5% des élèves sont victimes de harcèlement sévère dont ils garderont des séquelles à vie pour la plupart.
C’est un phénomène mondial (source ISU Institut de Statistique de l’UNESCO 2018), qui touche toutes les catégories sociales, toutes les écoles et toutes les classes, et il n’y a pas de profil type des harceleurs, ni de leurs victimes.
Longtemps sous-estimé ou considéré comme étant une fatalité liée au penchant naturel des enfants à la cruauté, ce phénomène n’a été pris à sa juste mesure que très récemment en France, notamment grâce aux travaux d’Éric Debardieux en 2011.
Cette prise de conscience a été favorisée également par le fait que le harcèlement est devenu beaucoup plus visible qu’avant. En effet, celui-ci se prolonge maintenant quasi-systématiquement en cyber-harcèlement. L’impact du harcèlement a donc considérablement été amplifié par le numérique à cause de son instantanéité, sa propagation rapide, son audience décuplée, son hypermnésie, et surtout par le fait que plus aucun temps de répit n’est possible pour les victimes qui peuvent être harcelées 24h sur 24 et 7 jours sur 7.
Des réponses inadaptées
Les témoignages de parents et d’enfants sont unanimes. Face à ce fléau, les réponses données par le monde académique ne sont pas du tout adaptées. Pire, les interventions ne font souvent qu’empirer la situation, et les changements d’école sont souvent vus comme les seules solutions (provisoires) et par dépit.
Récemment, de nouvelles méthodes venues de l’étranger (Europe du nord et pays anglophones principalement) ont pu être testées de manière restreinte : méthodes Pikas, Farsta, No blame, école de Palo Alto,… Toutes prennent à contre-pied les modes de résolutions actuellement utilisés qui tendent à judiciariser les relations entre élèves. Ces nouvelles approches ont pour point commun le fait de prendre en compte les caractéristiques spécifiques du mal nommé « harcèlement scolaire », dont les mécanismes sont différents du harcèlement entre adultes.
Ces démarches ont pu montrer une certaine efficacité par rapport à la situation initiale, mais elles nécessitent souvent des personnes dédiées et formées.
Malheureusement, elles connaissent aussi la même limite que les approches actuelles : l’intervention systématique des adultes. Les victimes de harcèlement étant le plus souvent silencieuses, cette intervention suppose que le phénomène combattu soit déjà bien installé et visible. Ensuite, la mobilisation des adultes crée de fait une stigmatisation de la victime et une valorisation des auteurs du harcèlement. C’est pourquoi, une bonne partie de ces nouvelles méthodes est concentrée sur le fait d’essayer de réduire l’impact négatif déclenché par l’intervention de ces mêmes adultes…
Comment enrayer la mécanique du harcèlement ?
Toutes les études le montrent : pour désamorcer cette mécanique du harcèlement, il faut pouvoir la détecter au plus tôt et casser un des piliers de cette triangulaire qui installe victimes, auteurs et témoins dans un cercle vicieux.
Pour la victime, il s’agit d’abord de lui faire prendre conscience d’un phénomène qu’elle va tenter naturellement de minimiser, et ensuite de lui donner les armes pour pouvoir se défendre par elle-même. Dans le cas où celle-ci n’est plus en capacité de réagir face au groupe, il faut qu’elle puisse obtenir directement l’aide d’un professionnel extérieur et ceci de manière confidentielle.
Pour les témoins, il faut pouvoir les faire réagir rapidement avant que la situation ne s’installe en les sensibilisant au fur et à mesure aux risques et aux conséquences éventuelles de la situation.
Et enfin pour les auteurs, il faut arriver à leur faire prendre conscience de leurs actes. Le (la) harceleur(se) se laisse parfois entrainé par son propre pouvoir et cherche par l’attaque à cacher ses propres faiblesses. Il faut pouvoir lui offrir de nombreuses portes de sortie, et qu’il puisse être acteur de la solution afin que celle-ci soit pérenne.
L’accompagnement et la protection de nos ados dans le monde numérique vous intéresse ? Pour en savoir plus
spécialiste du harcèlement scolaire (et formatrice à l’Atelier Des Parents), j’aimais bien le début de votre article. par contre, les « il faut » qui font toute la fin de votre article me gênent beaucoup. vous le savez, le harcèlement est un phénomène complexe et les recettes toutes faites sont inadaptées…
spécialiste de l’école de Palo Alto, je suis d’accord avec vous sur le fond : renforcer les enfants / ados cibles est une bonne idée. dire en revanche qu’il ne faut pas d’adulte, c’est, à mon sens, enfermer les enfants / ados… dans ce qu’ils connaissent déjà : une très grande solitude. Notre approche (celle de l’association ORFEEE) consiste à aider les cibles du harcèlement à s’en sortir, le plus souvent seules, mais pas toujours… et avec notre soutien en « back office ». il n’y a rien de pire pour une cible de s’entendre dire « ce sont des gamineries », « débrouille toi » « apprends à te défendre ». c’est beaucoup plus complexe que cela à mon sens…
Merci de de votre commentaire qui permet d’apporter un peu de nuance et qui rappelle qu’effectivement chaque cas est particulier.
Ce phénomène, comme vous le rappelez, est extrêmement complexe, et les victimes, une fois le harcèlement installé, ont bien sûr besoin du soutien des adultes pour s’en sortir. Le message de cet article est que si nous pouvions détecter au plus tôt les mécanismes qui se mettent en place et agir de manière appropriée dès le début, les cibles n’auraient peut-être pas le temps de devenir des victimes.
C’est justement toute la démarche et l’objectif de MyTwiga qui est de faire monter en compétence les ados pour les aider à prendre les bonnes décisions, et de faire intervenir les professionnels en « back office » au bon moment.
Au plaisir de vous lire et d’échanger.